lundi 9 juin 2008

VIVE LA CRITIQUE

À propos d'une remise en cause insidieuse de la liberté de la presse.

Le samedi 7 juin, sur les ondes de notre consoeur France Musique dans l’émission de Benoit Duteurtre Étonnez moi Benoit, Renaud Machart , le critique musical du Monde, a été victime d’une agression extrême violence de la part de Jérôme Deschamps à propos de sa critique sur Porgy and Bess donné à l’Opéra Comique qu’il dirige. (le Monde daté du 6 / 6)
On peut n’y voir qu’un de ces petits moments chauds, une de ces tempêtes dans un verre d’eau qui font le petit sel d’une vie intellectuelle et parisienne bien fade, mais on peut aussi analyser ce fait comme révélateur ou symptomatique d’un état d’esprit terriblement inquiétant.

Sur un plan personnel cet incident a le mérite de faire tomber le masque de Jérôme Deschamps; si certains avaient déjà remarqué le mépris sournois des « petits, modestes, ou gens de peu » dont témoignaient, sous un air faussement empathique, les Deschiens, le registre linguistique lourdement scatologique, le jeu de mot sur le patronyme ont des relents extrémistes de droite qui ne trompent pas.
Il est intéressant de voir comment les grands cumulards, féodaux culturels défendent leur pouvoir souvent népotique et tentaculaire. Habitués de la brosse à reluire télévisuelle, des émissions où leurs hôtes sont souvent des obligés,* ils ne souffrent pas de voir leurs choix remis en cause.
Ils se servent de leurs salles pleines pour montrer l’inanité de la critique et paradoxalement, la rendent coupable de leurs insuccès.
Dans ces temps de grandes difficultés que connaît la presse ces attaques ne sont pas innocentes : le signal donné est clair : « À quoi bon vous encombrer de critiques ? Contentez-vous de répercuter le dossier de presse concocté par nos services de communication, nos attachées de presse et qui sait ? Si vous êtes bien sage on vous invitera… On vous achètera de l’espace.»
Ceux qui pleurnichent tous les jours sur le déclin de la presse feraient bien de s’interroger sur l’incidence de la disparition ou de la faiblesse du nombre de signes accordés à la critique.
Les lecteurs potentiels n’ont plus, quand ils ont assisté à un spectacle vivant, le réflexe de se reporter au journal pour confronter leur impression et celle d’une « signature »
Il suffit d’avoir vu dans un festival, un lendemain de concert, les mélomanes se précipiter sur l’article de Renaud Machart ou d' Alain Lompech, pour comprendre à quel point leur sévère exigence est précieuse pour la vie musicale.
Dans nos provinces les stratégies d’intimidation ont abouti. : Paresse intellectuelle, pauvreté obligent ; il arrive fréquemment que l’on demande aux organisateurs eux-mêmes de faire l’annonce et la critique..
Ainsi, on a la certitude de voir la prestation d’un gratteur de boyaux local traitée plus laudativement que celle d’un soliste internationalement reconnu. .Dans un autre domaine l’exposition d’un artiste vicinal, peintre du dimanche recueillera plus de louanges que l’accrochage d’un Chaissac ou d’un Bram van de Velde.
La confusion entre pratique professionnelle et amateur est complaisamment entretenue.
Ce nappage de confiture consensuelle n’est pas sans conséquence, il crée un cocon douillet à la médiocrité et propice à la préservation de prés carrés juteux.
Sur les ondes de cette radio, dans cette émission, nous continuerons à prendre le risque souverain de déplaire.

Nous assurons l’ami Renaud Machart de notre profonde estime et de notre soutien dans sa pratique d’un journalisme libre.

*Il faut y voir, peut-être, la source de la molle confraternité dont a fait preuve B.Duteurtre

10 commentaires:

Anonyme a dit…

A vous lire, la musique serait une compétition... Dommage d'avoir une vision si absurde de la musique. L'exigence musicale ne doit pas être une raison valable pour rejeter toute autre musique. Il y a des personnes complexes et d'autres simples, et donc des musiques complexes et d'autres simples. Est-ce que pour autant on doit classer les personnes ou les musiques ? Pour ma part, la critique est faite pour les non musiciens.

Jacques Polvorinos a dit…

Je ne vois pas où vous lisez un goût de la compétition,dans ce que j'ai écrit.
La critique est indispensable pour permettre à tous ceux qui n'ont pas la chance de pouvoir aller partout, de faire un choix.
Souvent les musiciens entre eux sont d'une vacherie bien plus grande quecelle des critiques.

Anonyme a dit…

Drole de monde en effet où la critique intelligente n'a pas sa place, remplacée par la promotion des auteurs, musiciens, peintres officiels ou à la mode... "le Bateau-livre" coule sur la 5, fini le plaisir dominical et rituel de commencer la journée dans l'ouverture et la curiosité !

Anonyme a dit…

Je ne pense pas qu'il existe à quelque endroit que ce soit une "critique intelligente". Une critique suppose toujours de classer des musiques contre d'autres, des musiciens contre d'autres. Même si elle met en valeur plus ou moins bien tel ou tel musicien plus exigeant qu'un autre, il est odieux ! de classer les musiciens. Je préfère en effet regarder les qualités de chaque musicien, plutôt que déceler chaque défaut dans une interpétation, par exemple pour justifier mon égo.

Anonyme a dit…

La critique n'est pas le classement, heureusement! sinon contentons-nous des hit parades et autres meilleures ventes... avec les résultats que l'on connait

Anonyme a dit…

Mais si. La critique suggère sans cesse un classement qualitatif. La critique est de toute part un jeu de comparaison. La comparaison conduit à un classement. Je m'y refuse formellement.
La "critique" est rarement constructive car elle place les auditeurs contre des musiciens. Alors que la richesse se trouve en chacun.
Pour moi, ce n'est pas une "critique" qu'il faut faire, mais montrer que l'autre, quel qu'il soit, est une richesse. Trop peu d'émissions font celà, et j'espère que "Marche Harmonique", que j'écoute parfois, évoluera dans ce sens.

Anonyme a dit…

Mais Renaud Machart est-il un journaliste intelligent ?

Son style est à l'emporte-pièce, il assène ses opinions comme des vérités indiscutables, ne motive ses articles que de façon sommaire. Ce n'est pas de la critique constructive qui serait argumentée, comme l'est encore celle du brumeux Alain Lompech, ce sont des billets d'humeur dans un style cassant, dépourvus d'honnêteté intellectuelle.

Quand on fait preuve d'aussi peu d'exigence envers soi-même, comment peut-on attendre d'être respecté ?

Jacques Polvorinos a dit…

Bien entendu, je ne partage pas votre opinion qui souffre de tous les maux que vous dénoncez. Je n'ai jamais lu une ligne de R.Machart où son jugement, surtout quand il est négatif, ne soit pas motivé, parfois brièvement il est vrai, mais cela dépend du nombre de signes accordés et parfois, il est plus charitable de ne pas s'étaler.
Je suis sûr de son honnêteté intellectuelle et d'ailleurs elle lui vaut de solides et déplaisantes inimitiés.

Anonyme a dit…

"Je suis sûr de son honnêteté intellectuelle et d'ailleurs elle lui vaut de solides et déplaisantes inimitiés."

Lorsque l'on est honnête, on ne se vente pas d'avoir des inimitiés, puisqu'on en a peu.

Jacques Polvorinos a dit…

Il ne se vante pas, elles existent et parfois, font souffrir.
L'expérience vous montrera qu'elles ne sont jamais source de joie.