CARNET D'UN MÉLOMANE
Vendredi 6 février 19 h. Moulin du Roc Niort
L'OREILLE DE PROUST
Mise en scène collective
coordonnée par Farida Radouadj (Chant et récit )
Anne-Lise Gastaldi et David Saudubray
(piano à quatre mains )
Je vous préviens , je vais être
injuste.: on ne fréquente pas un demi-siècle durant,
l'œuvre, la correspondance, la vie d'un écrivain sans avoir
dans l'oreille une idée de sa musique, sans avoir ses
marottes, ses fixations et sans considérer, sottement je vous
l'accorde, ceux qui entrent dans cette œuvre comme des intrus qui
viennent inutilement (quoique) bousculer vos représentations.
La musique des mots : On n'a pas gardé
de traces enregistrées de la voix de Proust, mais pour moi,
celle qui parle dans la recherche, c'est une voix d'homme, l'entendre
lire par une femme m'a toujours semblé une erreur de
tessiture, pourtant, je dois bien l'admettre, la manière de
nous donner les extraits de Sodome et Gomorrhe II 2 qui décrivent
une scène entre la snob madame de Cambremer, née
Legrandin, sa belle-mère la vieille marquise douairière
musicienne férue de Chopin et le narrateur est un sommet qui
balaie toutes les réserves. La verve comique de Proust y est
rendue avec un rythme, une verdeur que l'on ne trouve que dans les
sketches de nos plus grands comiques (j'ai pensé à
Philippe Caubère évoquant Ariane).
Dans le choix des textes je me suis
irrité de la présence du trop connu passage de la
madeleine, mais fort
justement mon ami Pierre Lacore m'a daubé : Couillon ! Tu te
priverais d'un mouvement de la neuvième de Beethoven au
prétexte qu'il est sur toutes lèvres ?
Farida Radouadj est magnifique diseuse
ou chanteuse, et fit merveille dans les chansons de Mayol, chanteur
populaire ambigu, très prisé de Proust et de son ami
Reynaldo Hahn ( voir émission du 30 janvier).
Anne-Lise Gastaldi fait partie « des
lecteurs que la lecture de Proust accompagne toute leur existence »
elle a entre autres matérialisé cet amour dans un livre
accompagné de 2 CD Marcel Proust Une vie en musique
Éditions Riveneuve. Dans le programme de ce soir bâti
autour des œuvres que Proust a écoutées et sur
lesquelles il a échangé dans sa correspondance,
Anne-Lise Gastaldi a choisi de privilégier les partitions de
qualité pour piano à quatre mains quitte à ce
que le lien avec Marcel soit ténu.
Malgré ou à cause des
irritations qu'elle a suscitées chez moi , une grande soirée
qui je l'espère aura donné à tous les assistants
envie de se plonger dans Proust.
Avec David Saudubray, ils ont bien
défendu, malgré un piano fatigué manquant de
brillant dans les aigus, outre les grands classiques de ce
répertoire à 4 mains de Schubert et Stravinsky des
pièces rarement jouées en particulier les Six
épigraphes antiques de Debussy et Le souvenir de
Bayreuth de Fauré & Messager.
Un regret, sont mentionnées
dans La recherche des musiques dont on n'entend plus une note,
ainsi
« la Valse des Roses ou Pauvre fou de Tagliafico qu'on
devait, selon la volonté écrite, d'Odette faire
exécuter à son enterrement ».
Qu'Anne-Lise
Gastaldi n'hésite pas , j'ai les partitions déterrées
par mes soins à la B.N.!
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