jeudi 18 août 2011

JOURNAL D'UN MÉLOMANE
Extrait
Avant d'aller voir Carmen à Sanxay, le 14 août, représentation judicieusement reportée au lendemain où les cieux furent cléments, j'ai consulté Le cas Wagner de Nietzche Collection Libertés de J.J.Pauvert 1968 ; le prix 8,25 francs t.c. est indiqué sur l'étroite couverture.
« J'ai été entendre hier pour la vingtième fois-- le croiriez-vous ?-- ( pour moi c'est seulement 5 fois ) le chef d'œuvre de Bizet. Mon attention s'est de nouveau laissée doucement captiver..........Comme une telle œuvre rend parfait ! À son contact, on devient soi-même un chef d'oeuvre . En effet chaque fois que j'ai écouté Carmen je me suis senti devenir plus philosophe, meilleur philosophe que je ne crois l'être d'habitude ; si indulgent, si heureux, si hindou, si rassis... Rester cinq heures assis ; la première étape vers la sainteté !...... La musique de Bizet, (qu'il oppose à celle de Wagner ) me semble parfaite .Elle vient à vous . Légère, souple et et courtoise Elle est aimable, elle ne transpire pas. « Ce qui est bon est léger tout ce qui est divin court sur des pieds déliés »; premier principe de mon Esthétique. Cette musique est cruelle d'un fatalisme raffiné : elle reste en même temps populaire ........Elle est riche. Elle est précise. Elle construit, organise, accomplit : elle devient ainsi le contraire du polype dans la musique , de la mélodie infinie .
A-t-on jamais perçu, sur une scène, accents tragiques plus déchirants?
Et comment Bizet les obtient-il! Sans grimaces! Sans faux semblants! Sans le mensonge du grand style! »
Jusqu'à la représentation donnée le 15 août à Sanxay, je n'avais pas partagé l'euphorie de Nietzsche. Depuis, je la comprends:
On est tout d'abord frappé par la beauté de l'ensemble des protagonistes : tous l'orchestre, le chœur, les solistes les danseurs ont ce visage rayonnant que donne la participation généreuse à une fête collective. Dans une distribution homogène, nous avons particulièrement aimé les femmes (ce qui n'est pas fait pour surprendre ceux qui me connaissent) .
Dans le rôle titre, Géraldine Chauvet campe une magnifique Carmen, sereine, face aux conséquences tragiques de son goût pour la liberté.
Quant à Asmick Grigorian, une splendeur, dans Micaëla elle est bouleversante de fragile humanité blessée.
La direction musicale de Didier Lucchesi, chef habitué des lieux (il y vient depuis 2001), a su faire ressortir les joyaux que révèle la partition et être un soutien bienveillant et attentif pour les solistes et les chœurs.
Une soirée inoubliable couronnée par un immense succès populaire, juste récompense d'une mobilisation exemplaire et d'une exigence artistique sans faille.

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